A comme Allée 35.

1854. A droite en sortant de la pharmacie Allais et la séparant du restaurant voisin (devenu aujourd'hui la pharmacie et vice-versa), "tout est dans tout et vice-versa", l'Allée 35, passage reliant la place de la Grande Fontaine (aujourd'hui place Hamelin) à la grève.
.
Entre la pharmacie et le café voisin,
l'allée 35. (porte entr'ouverte) en 1954 ----->
.
L'arrière de la pharmacie, le laboratoire et les chambres des garçons donnent sur cette allée, bordée de tristes maisons en bois, reliés par une passerelle.
Le bas de l'allée est habité par une population pauvre, population que côtoie le jeune Alphonse malgré l'interdiction, et sujet à observation.
Jeanne Leroy-Allais, la soeur d'Alphonse, dans son livre "Alphonse Allais, souvenirs d'enfance et de jeunesse", qu'elle publie en 1913, consacre un chapitre (le XX ème) à l'Allée 35 :
.
"Les hôtes de l'Allée"
"Si Alphonse Allais trouva, au laboratoire paternel, un champ d'études à souhait, il y trouva aussi des sujets inépuisables d'observation amusée dont, plus tard, il sut tirer parti. Il était, il fut toujours populaire dans cette Allée 35, pourtant mal famée et qui nous était sévèrement interdite. Nul ne sait d'où lui est venu son nom bizarre. Elle reliait la place de la Grande Fontaine
à la grève, desservant notre maison et plusieurs cafés. De ce côté, encore, elle se respectait, et, n'eussent été les passages et les stationnements de voisins suspects, on aurait pu la déclarer
irréprochable. Il n'en était pas de même pour ce qu'on appelait, avec mépris plein
de dégoût " le bas de l'allée". Devant notre laboratoire, elle formait une sorte de cour assez large, puis brusquement s'étranglait, encombrée de balcons de bois, d'escaliers extérieurs, d'encorbellements hasardeux, de ponts suspendus et couverts. Ces constructions, plusieurs fois séculaires et jamais modifiées, étaient à la fois sordides et pittoresques. Les nombreux artistes qui fréquentaient la région ne manquaient pas d'en faire d'intéressantes études, et Karl Daubigny dit un jour à des camarades qu'il y avait amenés : " Avec deux ou trois dromadaires bien posés, tout le monde croirait à un coin de Kasbah ".
La population était en rapport avec l'endroit. Elle se composait, en général, de gens n'ayant aucune profession déterminée et vivant, hommes et femmes, du mouvement du port. Ils payaient rarement leur terme et les propriétaires semblaient en avoir pris leur parti, ainsi
que des dégradations qu'ils exerçaient pour leur commodité. Les expulser ... ? à quoi bon ? ils auraient été remplacés par d'autres pas mieux.
La marmaille y était innombrable, comme dans tous les milieux de misère, et complètement abandonnée à elle-même. Inutile de dire qu'elle constituait une engeance redoutable que tout le quartier abominait.
Il nous était formellement interdit de mettre les pieds dans l'Allée 35, et de causer avec les "gamins des rues" qui la peuplaient. Mais nous étions fort peu obéissants, et si nous ne passions jamais par l'allée dont la malpropreté nous répugnait, nous ne dédaignions point de lier conversation avec les marmots quand ils venaient sous les fenêtres de la salle à manger au moment où nous nous y trouvions sans surveillance (...)"
.
Petite allée en superficie, certes, mais grande dans "la vie drôle" d'Alphonse.
Cette allée, sur laquelle s'ouvrait le laboratoire de la pharmacie, fut souvent illuminée et sonorisée par des explosions. Le jeune Alphonse, passionné par les matières fulminantes, y expérimente des feux de bengale, des pièces d'artifices, des pétards fabriqués avec
les matières premières du laboratoire paternel, affolant les habitants du quartier.
.
<--L'allée 35 en 1954. (Photos Fonds Anatole Jakovsky).
.
2004. Jusqu'à l'an de grâce 2004, cette allée ne portait pas de nom, juste un nombre : le 35, numéro du cadastre.
150 ans plus tard après la naissance d'Alphi, et sur une lumineuse idée de l'Académicien Pierre Tchernia, idée comme seuls peuvent en avoir les Académiciens, cette orpheline de nom est baptisée au mois d'octobre 2004, mois allaisien : "L'Allée Allais"

Retrouvez " l'Allée Allais" dans "Le dictionnaire des mots qui ont fait l'" Après Allais". (Bientôt sur cet écran).
Merci à Jean-Yves Loriot pour ces infos allaisiennes ;-)

Aucun commentaire: